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ŒUVRES DE STENDHAL.

Le Kymri (qui ne rit guère, c’est un moyen mnémonique de se rappeler le nom de cette race) a le caractère constant, suivi et peu gai d’un Anglais. Dans le malheur un Kymri est plus affecté, plus profondément malheureux qu’un Gael. Sa timidité aime d’instinct la protection donnée par un rang ; de là, les penchants aristocratiques des Anglais, et l’état de folie enfantine où ils tombent à la vue de leur jeune reine qui daigne se promener dans les rues.

Les individus qui peuplent la France peuvent se diviser en Gaels, en Kymris, en Ibères et en Métis. (Je ne parle ni des juifs ni de quelques Grecs de Marseille.) Voici des signalements :

Les Gaels sont les plus nombreux. Ils sont de taille moyenne. Lorsque la race est pure, ils ont la tête ronde, les yeux grands et ouverts, le nez assez droit, un peu large vers la partie inférieure, jamais recourbé vers la bouche comme le nez aquilin. La distance du nez au bas du menton est égale à la longueur du nez, la bouche un peu plus près du nez que de la partie inférieure du visage. Les pommelles, pleines sans être saillantes. En général tous les traits sont arrondis. Les Gaels ont ordinairement les cheveux de couleur foncée. Ils sont bien musclés, pas très-grands, et se rapprochent de la forme athlétique[1].

Les Gaels occupaient toute la France, excepté la partie possédée par les Ibères, lorsque les Kymris arrivèrent. On les trouve encore en fort grand nombre dans la Bourgogne, le Dauphiné, la Savoie, le Poitou, etc. ; ce sont eux qui ont le caractère moral que l’Europe attribue aux Français : gai, brave, moqueur, insouciant de l’avenir. Marot, Montaigne, Rabelais, Montesquieu, sont faits pour plaire aux Gaels. Les aventuriers d’Europe qui abordèrent au Canada vers 1650 eurent des relations avec les femmes du pays. Eh bien ! ceux des habitants qui portent des noms français sont remarquables par leurs têtes rondes, leur bravoure,

  1. Voir le lumineux Essai sur la races d’hommes, par M. Edwards, membre de l’Institut.