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ŒUVRES DE STENDHAL.

cordée à ce village), et sous un climat où le vêtement n’est qu’un luxe.

Quand on présente ces sortes d’idées au commis, sa paresse se révolte et il se dit : Voilà un homme dangereux et dont tôt ou tard il faudra proposer le changement à Son Excellence.

Que serait-ce si j’osais parler des lois de douane ? En vertu de ces règlements surannés, la France ne fournit à l’Italie, patrie de la paresse et qui n’est qu’à deux jours de navigation de ses côtes, que des chapeaux de femme, venant de Paris.

Il faudrait dans tous les ministères des chefs de division recevant vingt-cinq mille francs d’appointements et cent mille francs de frais de bureaux ; mais ces messieurs ne pourraient jamais devenir ni députés ni conseillers d’État ; n’étant point hommes politiques, ils ne seraient pas sujets à être renvoyés tous les deux ans comme les ministres.

Il faudrait surtout avoir assez de sens pour comprendre qu’un homme ne peut pas donner plus de quarante signatures par jour ; à la quarante et unième, son cerveau fatigué ne peut plus trouver d’objection à toutes les belles choses que lui débite son commis, et il signe de la meilleure foi du monde toutes les nigauderies que lui présente celui-ci.

Ces chefs de division que je propose travailleraient avec leur ministre, comme ce ministre travaille avec le roi, noteraient sur leurs rapports les décisions du ministre, et signeraient toutes les lettres écrites en conséquence.

Ils seraient donc responsables des décisions qu’ils auraient fait prendre. Avec des ministres qui changent tous les dix-huit mois, rien n’est commode comme de répondre aux reproches les plus fondés : Le ministre l’a voulu.

Quant aux expéditions et copies de chaque division, le chef a cent mille francs pour les faire faire par qui bon lui semble ; s’il est avare, il les fera lui-même. Il n’y a pas de banquier à Paris qui ne sache trouver sept à huit bons commis. En qualité