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du moindre raisonnement et que cette chaleur de sang qui anime tous les Français à l’aspect du danger fait excellents soldats. Nous sommes tombés dans la même erreur que ces pauvres seigneurs russes en 1826…

Le taciturne Coffe bavardait pour distraire Leuwen, mais Coffe s’aperçut que Leuwen ne l’écoutait plus.

— Indigné d’être oisif et peu estimable, j’ai pris l’état militaire. Je l’ai quitté pour une raison particulière ; mais je l’aurais quitté tôt ou tard, pour n’être pas exposé à sabrer des ouvriers. Voulez-vous que je devienne un héros de la rue Transnonain ? Cela est pardonnable à un soldat qui voit dans les habitants de cette maison un Russe qui défend une batterie ennemie ; mais dans moi, officier, qui comprends ?

— Eh bien ! cela est bien pis que de recevoir de la boue à Blois de gens que leur préfet, M. de Nontour, a dupés de la façon la plus irritante lors d’une élection partielle, il y a un an. Vous vous rappelez qu’il a placé sur le pont de la Loire des gendarmes qui ont demandé leur passeport aux habitants du faubourg qui venaient voter en ville ; et comme aucun n’avait de passeport, on les a empêchés de passer[1].

  1. M. de Tournon à Lyon.