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infâmes… et nous dit : « Vous êtes des infâmes ! » Bien dit, pensa Coffe en riant. Le peuple n’a pas dit à Leuwen : « Tu es un infâme », mais il a dit à nous deux : « Vous êtes des infâmes. »

Et Coffe pesait ce mot-là pour soi-même. À cet instant, Leuwen soupira à demi-haut.

« Le voilà qui souffre de son absurdité : il prétend réunir les profits du ministériel avec la susceptibilité délicate de l’homme d’honneur. Quoi de plus sot ! Eh ! mon ami, avec l’habit brodé prenez la peau dure aux outrages… Cependant, l’on peut dire à sa décharge qu’il n’y a peut-être pas un de ces coquins d’agents du ministre qui souffre par ce mécanisme. Cela fait son éloge… Les autres savent bien à quelles missions ils s’exposent en demandant des places… Il serait bien qu’il trouvât le remède tout seul… L’orgueil, la joie de la découverte diminueraient la douleur que fait le tranchant acéré du conseil en pénétrant dans le cœur… Mais ça est riche, ça est gâté par toutes les joies d’une belle position… Jamais il n’accouchera tout seul du remède, si toutefois il y en a un. Car du diable si je connais le fond de sa position… C’est toujours là qu’est le diable… Ce faquin de ministre le traite avec une distinction étonnante ; peut-être que le