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écrire à l’insu des préfets sans leur communiquer ma dépêche ?

— À la bonne heure ! Mais ils la connaîtront toujours par l’homme du télégraphe. Il faudrait tâcher de ne pas cabrer les préfets. S’ils sont bonnes gens, ne leur communiquez que ce que vous voudrez. S’ils sont disposés à jalouser votre mission, ne les cabrez pas : il ne faut pas diviser notre armée au moment du combat.

— Je compte agir prudemment, mais enfin puis-je correspondre par le télégraphe avec Votre Excellence sans communiquer mon dire au préfet ?

— Oui, j’y consens, mais ne vous brouillez pas avec les préfets. Je voudrais que vous eussiez cinquante ans au lieu de vingt-six.

— Votre Excellence est bien libre assurément de choisir un homme de cinquante ans qui peut-être serait moins sensible que moi aux injures des journaux.

— Je vous donnerai tout l’argent que vous voudrez. Si votre orgueil veut me permettre la gratification, vous l’aurez, et considérable. En un mot, il faut réussir ; mon opinion particulière est qu’il vaut mieux dépenser cinq cent mille francs et ne pas avoir Mairobert devant nous à la Chambre. C’est un homme tenace, sage, considéré, terrible. Il méprise l’argent