Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Cette grâce, ce changement étonnant chez cette femme si fière, c’était votre mérite qui en était l’auteur, lui disait la vanité. Cela n’est-il pas plus beau que de l’avoir fait céder à force de talent ? »

Mais Lucien restait froid à ces compliments de la vanité. Sa physionomie n’avait d’autre expression que celle du calcul. La méfiance ajoutait :

« Voilà une femme admirablement belle, et qui sans doute compte sur l’effet de sa beauté. Tâchons de n’être pas dupe. Voyons : madame Grandet me prouve son amour par un sacrifice assez pénible, celui de la fierté de toute sa vie. Il faut donc croire à cet amour… Mais doucement ! Il faudra que cet amour résiste à des épreuves un peu plus décisives et d’une durée un peu plus longue que ce qui vient d’avoir lieu. Ce qu’il y a d’agréable, c’est que, si cet amour est réel, je ne le devrai pas à la pitié. Ce ne sera pas un amour inspiré par contagion, comme dit Ernest. »

Il faut avouer que la physionomie de Lucien n’était point du tout celle d’un héros de roman pendant qu’il se livrait à ces sages raisonnements. Il avait plutôt l’air d’un banquier qui pèse la convenance d’une grande spéculation.

« La vanité de madame Grandet, conti-