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c’était retomber de la façon la plus désagréable dans le monde réel, et, il faut avoir le courage de le dire, dans un monde ennuyeux. « Il ne faut rentrer à la maison qu’à deux heures, ou gare le dialogue paternel ! »

Lucien monta dans un hôtel garni, prit un petit appartement. Il paya, mais on insistait pour un passeport. Il se mit d’accord avec son hôte en assurant qu’il ne coucherait pas cette nuit et que le lendemain il apporterait son passeport.

Il se promena avec délices dans ce joli petit appartement, dont le plus beau meuble était cette idée : « Ici, je suis libre ! » Il s’amusa comme un enfant du faux nom qu’il se donnerait dans cet hôtel garni[1].

« Il faut un faux nom pour assurer encore plus ma liberté. Ici je serai, se disait-il en [se] promenant avec délices, je serai tout à fait à l’abri de la sollicitude paternelle, maternelle, sempiternelle ! »

Oui, ce mot si grossier fut prononcé par notre héros, et j’en suis fâché non pour lui, mais pour la nature humaine. Tant il est vrai que l’instinct de la liberté est

  1. [L’idée de prendre ce petit appartement à l’angle de la rue Lepelletier, fit époque dans la vie de Lucien. Son premier soin, le lendemain, fut de porter à l’hôtel de Londres un passeport portant le nom de M. Théodose Martin, de Marseille, que M. Crapart lui donna].