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comte de Vaize. Le nom du roi est dépouillé de tout effet magique. Il est réellement impossible de gouverner avec ces petits journaux qui démolissent tout. Il nous faut tout payer argent comptant ou par des grades… Et cela nous ruine : le trésor comme les grades ne sont pas infinis. »

Il y eut un petit silence de dix secondes, pendant lesquelles la physionomie du ministre prit un air sombre. Dans sa première jeunesse, à Coblentz, où il était, les trois lettres R, O, I, avaient encore un effet étonnant.

« Est-ce qu’il va me proposer une affaire Caron ? se disait Lucien. En ce cas, l’armée n’aura jamais un lieutenant nommé Leuwen. »

— Mon ami, dit enfin le ministre, le roi approuve que je vous charge d’une double mission électorale.

« Encore les élections ! Je suis ce soir comme M. de Pourceaugnac. »

— Votre Excellence n’ignore pas, répondit-il d’un ton très ferme, que ces missions-là ne sont pas précisément tout ce qu’il y a de plus honorable aux yeux d’un public abusé.

— C’est ce que je suis loin d’accorder, dit le ministre. Et, permettez-moi de vous le dire, j’ai plus d’expérience que vous. »

Ce dernier mot fut lancé avec une assu-