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si nous avouons que, comme le personnage célèbre auquel nous avons eu naguère le courage de le comparer, il répandit des pleurs ?

Sur la fin de la soirée, il prit sur lui de venir passer un moment chez madame Grandet. Lucien était un autre homme. Madame Grandet s’aperçût de ce changement dans ses idées. Huit jours auparavant, cette nuance morale eût passé inaperçue. Sans se l’avouer, elle n’était plus seulement dominée par l’ambition, elle commençait à prendre du goût pour ce jeune homme qui n’était pas triste comme les autres, mais sérieux. Elle lui trouvait un charme inexprimable. Si elle eût eu plus d’expérience ou plus d’esprit, elle eût appelé naturel cette façon d’être singulière qui l’attachait à Lucien.

Elle avait vingt-six ans passés, elle était mariée depuis sept ans, et depuis cinq régnait dans la plus brillante si ce n’est la plus noble société. Jamais un homme n’avait osé lui baiser la main en tête-à-tête.

Le lendemain, il y eut une scène entre M. Leuwen et madame Grandet. M. Leuwen, parfaitement honnête homme dans toute cette affaire, s’était hâté de présenter M. Grandet au vieux maréchal, lequel, rempli de bon sens et de vigueur quand