Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui enfin ont leur volonté propre, et qui d’ailleurs, après un jour ou deux, après un échec de tribune, par exemple, peuvent ne plus vouloir de moi. Dans cette haute combinaison d’État et de haute ambition, celui de nous deux qui peut disposer du prix d’achat, de ce que vous m’avez permis d’appeler son enjeu, doit le délivrer, sous peine de voir l’autre partie contractante avoir plus d’admiration pour sa prudence que pour sa sincérité. Celui de nous deux qui n’a pas son enjeu en son pouvoir, et c’est moi qui suis cet homme, doit faire tout ce que l’autre peut humainement demander pour lui donner des gages[1]. »

Madame Grandet était rêveuse et visiblement embarrassée, mais plus des mots à employer pour faire la réponse que de la réponse même. M. Leuwen, qui ne doutait pas du résultat, eut un instant l’idée malicieuse de renvoyer au lendemain. La nuit eût porté conseil. Mais la paresse de revenir lui donna le désir de finir sur-le-champ. Il ajouta d’un ton tout à fait familier et en abaissant le son de sa voix d’un demi-ton, avec la voix basse de M. de Talleyrand :

  1. Ennoblir tout ceci ou le parterre siffle : c’est le joint de la cuirasse. Civita-Vecchia, 31 janvier [1835]. — Ne pas trop ennoblir ; c’est assez bien ainsi. 11 février.