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le langage des oiseaux. S’il avait encore quelque esprit, quelque instruction, quelque vivacité pour ferrailler agréablement dans la conversation, il pourrait faire quelque illusion ; mais le moins clairvoyant aperçoit tout de suite le marchand de gingembre enrichi qui veut se faire duc.

C’était un homme bien autrement commun encore que M. de Vaize.

— M. le comte de Vaize est un Voltaire pour l’esprit et un Jean-Jacques pour le sentiment romanesque, si on le compare à Grandet.

C’était un homme qui, comme le M. de Castries du siècle de Louis XVI, ne concevait pas que l’on pût tant parler d’un d’Alembert ou d’un Diderot, gens sans voiture. De telles idées étaient de bon ton en 1780, elles sont aujourd’hui au-dessous d’une gazette légitimiste de province et elles compromettent le parti.

Depuis le grand succès que son second discours à la Chambre avait procuré à M. Leuwen, Lucien remarqua qu’il était un tout autre personnage dans le salon de madame Grandet. Il tâchait de profiter de cette nouvelle fortune et parlait de son amour, mais au milieu de toutes les recherches du luxe le plus cher, Lucien n’apercevait que le génie de l’ébéniste ou