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possible au malheur de perdre le ministère. »

« Voilà encore un des malheurs de ce ministère que mon père côtoie. Il ne fut point un bonheur pour cette pauvre petite femme quand M. de Vaize y arriva. Le seul sentiment qu’il produisit probablement chez elle, autant que j’ai pu en juger, fut l’embarras, la crainte, etc., et voilà qu’elle va être au désespoir de le perdre, si elle le perd. C’est une âme qui ne demande qu’un prétexte pour être triste. Si le de Vaize est chassé, elle prendra peut-être le parti d’être triste pendant dix ans. Au bout de ces dix ans, elle sera au commencement de l’âge mûr, et si elle ne trouve pas un prêtre pour s’occuper d’elle exclusivement sous prétexte de diriger sa conscience, elle est ennuyée et malheureuse jusqu’à la mort. Il n’est aucune beauté, aucune élégance de manières qui puisse faire passer sur un caractère aussi ennuyeux. Requiescat in pace. Je serais bien attrapé si elle me prenait au mot et me donnait son cœur. Les temps sont maussades et tristes ; sous Louis XIV, j’eusse été galant et aimable auprès d’une telle femme, j’eusse essayé du moins. En ce XIXe siècle, je suis platement sentimental, c’est pour elle la seule consolation en mon pouvoir. »

Si nous écrivions des Mémoires de Wal-