Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

madame de Vaize pleura presque en disant à Lucien :

— Aux bals de la saison prochaine, c’est vous qui serez ministres, et c’est moi qui viendrai chez vous.

— Je ne vous serai pas plus dévoué alors qu’aujourd’hui, parce que c’est impossible. Mais qui serait ministre dans cette maison ? Ce n’est pas moi, ce serait encore moins mon père, s’il est possible.

— Vous n’en êtes que plus méchants : vous nous renversez, et ne savez que mettre à la place. Tout cela parce que M. de Vaize ne vous a pas fait assez la cour à vous, monsieur, quand vous reveniez de Caen.

— Je suis désolé de votre chagrin. Que ne puis-je vous consoler en vous donnant mon cœur ! Mais vous savez bien qu’il est vôtre depuis longtemps, ce qui fut dit avec assez de sérieux pour n’être pas une impertinence.

La pauvre petite madame de Vaize n’avait pas assez d’esprit pour voir la réponse à faire, et était encore bien plus loin d’avoir assez d’esprit pour faire cette réponse. Elle se contenta de la sentir confusément. C’était à peu près :

« Si j’étais parfaitement sûre que vous m’aimez, si j’avais pu prendre sur moi d’accepter votre hommage, le bonheur d’être à vous serait peut-être la seule consolation