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suis sûr que le rapport a été fait par un homme de mauvaise foi.

Le ministre était prêt à partir pour le Château ; il sortit avec humeur et, dans la pièce voisine, dit des injures à son chasseur qui lui passait sa pelisse.

« S’il gagnait un écu à cette calomnie, je le comprendrais, se dit Lucien ; mais à quoi bon mentir d’une façon si nuisible ? Le pauvre Fari approche de soixante-cinq ans, il ne faut à la Guerre qu’un chef de bureau qui ne l’aime pas, il profite de ce rapport et fait mettre à la retraite un des meilleurs officiers de l’armée, un homme honnête par excellence… »

L’ancien secrétaire général de M. le comte de Vaize dans la dernière préfecture qu’il avait occupée avant que Louis XVIII l’appelât à la Chambre des Pairs était à Paris. Lucien, le trouvant le lendemain dans les bureaux de la rue de Grenelle, lui parla du général Fari.

— Qu’est-ce que le patron peut avoir contre lui ?

— Le ministre a cru dans un temps que Fari faisait la cour à sa femme.

— Quoi ! à l’âge du général ?

— Il amusait la jeune comtesse, qui mourait d’ennui à ***. Mais je parierais qu’il n’y a jamais eu un mot de galanterie prononcé entre eux.