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de charmants petits mots de surprise et de jolis éclats de voix. Une fois, Lucien se dit :

« Voici tout ce que j’aurais pu demander à mademoiselle Gosselin. »

De ce moment, il fut vraiment bien, madame Grandet ne quitta les expériences que pour lui offrir de faire une partie de billard avec elle. Il était piquant pour elle-même, parce qu’il l’étonnait. « Je n’en reviens pas, se disait-elle. Grand Dieu ! comme la timidité donne la physionomie d’un sot à l’homme le plus aimable ! »

Sur les dix heures, il vint assez de monde. On avait l’usage de présenter à madame Grandet la plupart des personnages un peu marquants qui passaient à Paris. Il ne manquait à sa collection que les artistes tout à fait crottés ou les grands seigneurs tout à fait de la première volée[1]. Aussi la présence à Paris de ceux-ci, annoncée par les journaux, lui donnait-elle de l’humeur et quelquefois elle se permettait contre eux des propos semi-républicains qui désolaient son mari. Ce mari tout bouffi de la faveur du roi de son choix, arriva avec un ministre sur les dix heures et demie.

  1. Ce n’est pas le jour de madame Grandet (elle reçoit les mercredis) c’est une soirée ordinaire.