Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce qui m’inquiète, ce sont mes chevaux », dit spirituellement le colonel en passant devant ses hommes.

Un instant plus tard, Leuwen entendit le sous-préfet qui disait au colonel :

— Quoi ! Nous ne pourrons pas appliquer un coup de sabre à ces gredins-là ?

« Il est beaucoup plus furibond que le colonel, se dit Leuwen. Le Malher ne peut guère espérer d’être fait général pour avoir tué douze ou quinze tisserands, et M. Fléron peut fort bien être nommé préfet, et il sera sûr de sa place pour deux ou trois ans. »

La distribution faite par Leuwen avait révélé cette idée ingénieuse qu’il y avait des villages dans les environs de la ville. Vers les cinq heures, on distribua une livre de pain noir à chaque lancier et un peu de viande aux officiers.

À la nuit tombante, on tira un coup de pistolet, mais personne ne fut atteint.

« Je ne sais pourquoi, pensait Leuwen, mais je parierais que ce coup de pistolet est tiré par ordre du sous-préfet. »

Sur les dix heures du soir, on s’aperçut que les ouvriers avaient disparu. À onze heures, il arriva de l’infanterie, à laquelle on remit les canons et l’obusier, et à une heure du matin le régiment de lanciers,