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« Adieu, monsieur Leuwen. » Et l’intonation de ces trois mots n’eût rien laissé à désirer à l’amant le plus exigeant. Prononcer le nom de Leuwen, en parlant à lui-même, eût été la suprême volupté pour madame de Chasteller[1].

Leuwen, après avoir assez fait le sot, comme il se le disait à soi-même, alla chercher un certain billard, au fond d’une cour sale, où il était sûr de trouver quelques lieutenants du régiment. Il était si à plaindre, que les rencontrer fut un bonheur pour lui. Ce bonheur parut et fit plaisir ; ces jeunes gens furent bons enfants ce soir-là, sauf à reprendre le lendemain la froideur du bon ton.

Leuwen eut le bonheur de jouer et de perdre. Il fut décidé que l’on n’emporterait pas les quelques napoléons que l’on s’était gagnés ; on fit venir du vin de Champagne, et Leuwen eut le bon esprit de s’enivrer, au point que le garçon du billard et un voisin qu’il appela le reconduisirent chez lui.

C’est ainsi qu’un amour véritable éloigne de la crapule.

Le lendemain, Leuwen agit absolument comme un fou. Les lieutenants, ses cama-

  1. Je dessine tous les muscles, sauf à adoucir. Volupté est peut-être trop fort.