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« Mon malheureux voyage à Nancy a tout découvert. »

Il était loin de deviner qu’il devait cette grande passion à son père, qui réellement, depuis l’aventure du ministre des Affaires étrangères, avait pris de l’amitié pour lui, jusqu’au point d’aller à la Bourse même les jours froids et humides, chose à laquelle, depuis le jour où il avait eu soixante ans, rien au monde n’avait pu le déterminer[1].

— Il finira par me prendre en guignon, disait-il à madame Leuwen, si je le dirige trop et lui parle sans cesse de ses affaires. Je dois me garder du rôle de père, si ennuyeux pour le fils quand le père s’ennuie ou quand il aime vivement.

La tendresse timide de madame Leuwen s’opposa de toute sa force à ce qu’il affublât son fils d’une grande passion ; elle voyait dans ce bruit une source de dangers.

— Je voudrais pour lui, disait-elle, une vie tranquille et non brillante.

— Je ne puis, répondait M. Leuwen, je ne puis, en conscience. Il faut qu’il ait une grande passion, ou tout ce sérieux que vous prisez tant tournerait contre lui, ce ne serait qu’un plat saint-simonien,

  1. Vérifier si les Pillet-Will, les Rothschild vont à la Bourse.