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par jour ; je vais payer la semaine d’avance. Vous, madame, vous pouvez aller vous établir auprès du lit de votre mari. »

À ce mot, toute l’éloquence de la physionomie pathétique de madame Kortis sembla l’abandonner. Lucien continua :

— Votre mari ne boira rien, ne prendra rien, que vous ne l’ayez préparé de vos propres mains…

— Dame ! monsieur, un hôpital, c’est bien dégoûtant… D’ailleurs mes pauvres enfants, mes orphelins, loin des yeux d’une mère comment seront-ils soignés ?… Etc., etc.

— Comme vous voudrez, madame, vous êtes si bonne mère !… Ce qui me fâche, c’est qu’on peut le voler…

— Qui ?

— Votre mari.

— Le plus souvent ! Je lui ai pris vingt-deux livres et sept sous qu’il avait sur lui. Je lui ai rempli sa tabatière, à ce pauvre cher homme, et j’ai donné dix sous à l’infirmier…

— À la bonne heure ! Rien de plus sage… Mais sous la condition qu’il ne bavardera pas politique, qu’il ne parlera pas d’opium, ni lui, ni vous, j’ai remis à M. Kortis douze napoléons.

— Des napoléons d’or ? interrompit madame Kortis d’une voix aigre.