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mais de propre et de bon ton. Il s’était toujours figuré mourir sur le gazon, la tête appuyée contre un arbre, comme Bayard. C’est ainsi qu’il avait vu la mort dans ses duels.

Il regarda sa montre.

« Dans une heure, je serai à l’Opéra… Mais je n’oublierai jamais cette soirée… Au devoir ! » dit-il. Et il s’approcha du lit du blessé.

Les deux infirmiers étaient à demi-couchés sur leurs chaises, et les pieds étendus sur la chaise percée. Ils dormaient à peu près, et lui semblèrent à demi ivres.

Lucien passa de l’autre côté du lit. Le blessé avait les yeux bien ouverts.

— Les parties nobles ne sont pas offensées, ou bien vous seriez mort dans la première nuit. Vous êtes bien moins dangereusement blessé que vous ne le croyez.

— Bah ! dit le blessé avec impatience, comme se moquant de l’espérance.

— Mon cher camarade, ou vous mourrez, ou vous vivrez, reprit Lucien d’un ton mâle, résolu et même affectueux. Il trouvait le blessé bien moins dégoûtant que le beau monsieur aux deux croix. Vous vivrez, ou vous mourrez.

— Il n’y a pas de ou, mon lieutenant. Je suis un homme frit.