de politique dans cette mesure, mais M. Monod lui fit changer d’avis en disant de sa grosse voix et d’un ton significatif :
— Cette saignée n’aurait qu’un effet hors de doute, celui d’ôter la parole au blessé.
— Je la repousse de toutes mes forces, dit un chirurgien honnête homme.
— Et moi.
— Et moi.
— Et moi.
— Il y a majorité, ce me semble, dit Lucien d’un ton fort animé.
« Il vaudrait mieux être impassible, se disait-il, mais comment y tenir ? »
La consultation et le procès-verbal furent signés à dix heures un quart. MM. les chirurgiens et médecins, parlant tous de malades à voir, se sauvaient à mesure qu’ils avaient signé. Lucien resta seul avec le chirurgien géant.
— Je vais revoir le blessé, dit Lucien.
— Et moi achever le dîner. Vous le trouverez mort peut-être : il peut passer comme un poulet. Au revoir !
Lucien rentra dans la salle des blessés. Il fut choqué de l’obscurité et de l’odeur. On entendait de temps à autre un gémissement faible. Notre héros n’avait jamais rien vu de semblable ; la mort était pour lui quelque chose de terrible sans doute,