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dessus un des bouquets du plateau. Je ne pouvais deviner ce qui lui arrivait. Il maudira votre dîner.

— On ne maudit point un dîner chez un ministre, dit le comte de Vaize, à demi sérieux.

« Voilà la griffe du lion », pensa Leuwen.

Madame de Vaize, fort sensible à ces coups de boutoir, avait pris un air morne.

« Ce petit Leuwen va me faire jouer un sot rôle chez son père. »

— Il veut avoir des tableaux, reprit-il d’un air gai ; et parbleu, à votre recommandation je lui en donnerai. Je remarque que, de façon ou d’autre, il vient ici deux fois la semaine.

— Dites-vous vrai ? Me promettez-vous des tableaux pour lui, et cela sans qu’il soit besoin de vous solliciter ?

— Ma parole !

— En ce cas, j’en fais un ami de la maison.

— Ainsi, madame, vous aurez deux hommes d’esprit : MM. Lacroix et Leuwen.

Le ministre partit de ce propos gracieux pour plaisanter Lucien un peu trop rudement sur la méprise qui l’avait fait inviter M. Lacroix, le peintre d’histoire. Lucien, réveillé, répondit à Son Excellence sur le ton de la parfaite éga-