Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentais un peu de transpiration, j’ai voulu attendre qu’elle fût bien passée. À soixante-cinq ans, la vie est un problème… et il ne faut pas l’embrouiller par des difficultés imaginaires.

… Mais comme te voilà fait ! dit-il en s’interrompant. Tu as l’air bien jeune ! Va prendre un habit moins frais, un gilet noir, arrange mal tes cheveux… tousse quelquefois… tâche de te donner vingt-huit ou trente ans. La première impression fait beaucoup avec les imbéciles, et il faut toujours traiter un ministre comme un imbécile, il n’a pas le temps de penser. Rappelle-toi de n’être jamais très bien vêtu tant que tu seras dans les affaires.

On partit après une grande heure de toilette ; le comte de Vaize n’était point sorti. L’huissier accueillit avec empressement le nom de MM. Leuwen, et les annonça sans délai.

« Son Excellence nous attendait, dit M. Leuwen à son fils en traversant trois salons où les solliciteurs étaient étagés suivant leur mérite et leur rang dans le monde.

MM. Leuwen trouvèrent Son Excellence fort occupée à mettre en ordre, sur un bureau de citronnier chargé de ciselures de mauvais goût, trois ou quatre cents lettres.