Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XLII


Le soir du jour où le nom de Leuwen avait paru si glorieux dans le Moniteur, ce maître des requêtes, outré de fatigue et de dégoût, était assis chez sa mère dans un petit coin sombre du salon, comme le Misanthrope. Accablé des compliments auxquels il avait été en butte toute la journée, les mots de carrière superbe, de bel avenir, de premier pas brillant, papillonnaient devant ses yeux et lui faisaient mal à la tête. Il était horriblement fatigué des réponses, la plupart de mauvaise grâce et mal tournées, qu’il avait faites à tant de compliments, tous fort bien faits et encore mieux dits : c’est le talent de l’habitant de Paris.

— « Maman, voilà donc le bonheur ! dit-il à sa mère quand ils furent seuls.

— Mon fils, il n’y a point de bonheur avec l’extrême fatigue, à moins que l’esprit ne soit amusé ou que l’imagination ne se charge de peindre vivement le bonheur à venir. Des compliments trop répétés sont fort ennuyeux, et vous n’êtes