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madame de Constantin lui demandait sa voix au collège électoral pour la centième fois. Elle était sûre de quelque protestation bizarre ; il lui jurait qu’il lui était dévoué, lui, son homme d’affaires, son notaire et ses fermiers.

— Et de plus, madame, j’irai vous voir à Paris.

— À Paris, je ne vous recevrai qu’une fois par semaine, disait-elle en regardant madame de Puylaurens. Ici, nous nous connaissons tous, là vous me compromettriez. Un jeune homme, votre fortune, vos chevaux, votre état dans le monde ! Une fois la semaine, je dis trop ; deux visites par mois tout au plus.

Jamais Sanréal ne s’était trouvé à pareille fête. Il eût volontiers pris acte, par devant notaire, des choses aimables que lui adressait madame de Constantin, une femme d’esprit. Il lui donnait ce titre au moins vingt fois par jour, et avec une voix de stentor, ce qui faisait beaucoup d’effet et faisait croire à ses paroles.

À cause de ces beaux yeux il eut une querelle avec M. de Pontlevé, auquel il déclara tout net qu’il prétendait aller au collège électoral, sauf à prêter serment à Louis-Philippe.

« Qui croit au serment en France aujourd’hui ? Louis-Philippe même croit--