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— Je dois vous mettre en possession d’une donnée importante : vous serez plus utile à mes intérêts comme secrétaire du ministre de l’Intérieur que comme chef de correspondance dans mon bureau. Vos qualités comme homme du monde me seraient inutiles dans mon bureau.

Lucien fut adroit pour la première fois depuis son cocuage (c’était le mot qu’il employait avec une amère ironie, car, pour torturer davantage son âme, il se regardait comme un mari trompé et s’appliquait la masse de ridicule et d’antipathie dont le théâtre et le monde vulgaire affublent cet état. Comme s’il y avait encore des caractères d’état ![1])

Lucien allait conclure pour la place au ministère, principalement par curiosité : il connaissait le comptoir, et n’avait pas la moindre idée de l’intérieur intime d’un ministre. Il se faisait une fête d’approcher M. le comte de Vaize, travailleur infatigable et le premier administrateur de France, disaient les journaux, un homme qu’on comparait au comte Daru de l’Empereur.

À peine son père eut-il cessé de parler :

— Ce mot me décide, s’écria-t-il avec

  1. Longueur, peut-être.