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un homme politique, un Martignac, je n’irai pas jusqu’à dire un Talleyrand. À votre âge et dans vos journaux, on appelle cela être un coquin. Dans dix ans, vous saurez que Colbert, que Sully, que le cardinal [de] Richelieu, en un mot tout ce qui a été homme politique, c’est-à-dire dirigeant les hommes, s’est élevé au moins à ce premier degré de coquinerie que je désire vous voir. N’allez pas faire comme N… qui, nommé secrétaire général de la police, au bout de quinze jours donna sa démission parce que cela était trop sale. Il est vrai que dans ce temps on faisait fusiller Frotté par des gendarmes chargés de le conduire de sa maison en prison, et qu’avant que de partir les gendarmes savaient qu’il essaierait de s’échapper en route, ce qui les réduirait à la triste nécessité de le tuer à coups de fusil.

— Diable ! dit Lucien.

— Oui. Le Préfet C***[1], ce brave homme préfet à Troyes et mon ami, dont vous vous souvenez peut-être, un homme de cinq pieds six pouces, à cheveux gris, à Plancy.

— Oui, je m’en souviens très bien. Ma mère lui donnait la belle chambre à damas rouge, à l’angle du château.

— C’est cela. Eh bien ! il perdit sa préfecture dans le Nord, à Caen ou envi-

  1. Cafarelli, écrit d’abord Stendhal. N. D. L. E.