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vit que chacun à son tour s’était donné le plaisir de parler de ses aïeux, de sa bravoure, et de la place qu’il avait occupée dans l’armée avant les fatales journées de 1830… Le roi ne veut pas se brouiller avec ses régiments. Rien de plus impolitique qu’une querelle entre son corps de noblesse et un régiment. »

Du Poirier répéta cette vérité si souvent et avec tant de termes différents qu’elle finit par pénétrer dans ces têtes peu habituées à comprendre le nouveau. Les amours-propres capitulèrent au moyen d’un bavardage dont Du Poirier calcula la durée à trois quarts d’heure ou une heure.

Pour tâcher de perdre moins de temps, Du Poirier, dont l’âpre vanité commençait à être calmée par l’ennui, prit sur soi d’adresser un mot agréable à tout le monde. Il fit la conquête de M. de Sanréal, qui fournissait des raisons aux Roller, en lui demandant du vin brûlé. Sanréal avait inventé une façon nouvelle de faire ce breuvage adorable et courut à l’office le préparer lui-même.

Quand tout le monde eut accordé la dictature à Du Poirier :

— Voulez-vous réellement, messieurs, éloigner M. de Leuwen de Nancy et ne pas perdre madame Chasteller ?

— Sans doute, répondit-on avec humeur.