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resque, je me contenterais d’admirer et je me garderais bien d’ouvrir la bouche, moi, pauvre plébéien, fils d’un petit marchand, et qui ai l’honneur de m’adresser aux représentants de tout ce qu’il y a de plus noble en Lorraine. Mais, messieurs, il me semble que vous êtes un peu en colère. La colère seule, sans doute, vous a empêchés de faire une réflexion qui est de mon domaine à moi. Vous ne voulez pas qu’un petit officier vous enlève madame de Chasteller ? Eh bien ! quelle force au monde peut empêcher madame de Chasteller de quitter Nancy et de s’établir à Paris ? Là, environnée de ses amies qui lui donneront de la force, elle adressera à M. de Pontlevé les lettres les plus touchantes du monde. « Je ne puis être heureuse qu’avec M. Leuwen », dira-t-elle, et elle le dira bien parce que, d’après ce que vous avez observé, elle le pense. M. de Pontlevé refuse-t-il, ce qui est douteux, car sa fille parle sérieusement, et il ne voudra pas rompre avec une personne qui a 400.000 francs dans les fonds publics. M. de Pontlevé refuse-t-il ? Madame de Chasteller, fortifiée par les conseils de ses amies de Paris, parmi lesquelles nous comptons des dames de la plus haute distinction, madame de Chasteller se passe fort bien du consentement d’un père de province.