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soit ; et, avant huit heures, M. Du Poirier savait tout[1].

Or, il y avait ordre précis de Prague d’éviter toute querelle entre la noblesse et les régiments du camp de Lunéville ou des villes voisines. Le soir, M. Du Poirier s’approcha de Sanréal avec la grâce d’un bouledogue en colère ; ses petits yeux avaient le brillant de ceux d’un chat irrité[2].

« Demain, vous me donnez à déjeuner à dix heures. Invitez MM. Roller, de Lanfort, de Goëllo, et tous ceux qui sont du projet. Il faut qu’ils m’entendent. »

Sanréal eût bien voulu se fâcher, mais il craignit un mot piquant de Du Poirier qui serait répété par tout Nancy. Il accepta d’un signe de tête presque aussi gracieux que la mine du docteur.

Le lendemain, tous les convives du déjeuner firent la mine quand ils apprirent à qui ils auraient affaire. Il arriva d’un air affairé.

« Messieurs, dit-il aussitôt et sans saluer personne, la religion et la noblesse ont bien des ennemis ; les journaux entre autres, qui racontent à la France et enveniment tout ce que nous faisons. S’il ne s’agissait ici que de bravoure chevale-

  1. Style lourd, mais vrai.
  2. Vrai, mais peu gracieux. Vu ce matin.