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le cas que madame de Puylaurens, inexorable sur l’esprit, faisait de son esprit.

Lorsqu’on sut que madame Malibran, allant ramasser des thalers en Allemagne, allait passer à deux lieues de Nancy, M. de Sanréal eut l’idée d’organiser un concert. Ce fut une grande affaire, qui lui coûta cher. Le concert eut lieu, madame de Chasteller n’y vint pas, madame d’Hocquincourt y parut environnée de tous ses amis. On vint à parler d’ami de cœur, on fit sur ce thème de la morale de concert.

— Vivre sans un ami de cœur, disait M. de Sanréal plus qu’à demi ivre de gloire et de punch, ce serait la plus grande des sottises, si ce n’était pas une impossibilité.

— Il faut se hâter de choisir, dit M. de Vassignies.

Madame d’Hocquincourt se pencha vers Leuwen, qui était devant elle.

— Et si celui qu’on a choisi, lui dit-elle à voix basse, porte un cœur de marbre, que faut-il faire ?

Leuwen se retourna en riant, il fut bien surpris de voir qu’il y avait des larmes dans les yeux qui étaient fixés sur les siens. Ce miracle lui ôta l’esprit, il songea au miracle au lieu de songer à la réponse. Elle se borna de sa part à un sourire banal.