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l’opinion telle qu’elle se manifestait dans le salon de madame de Marcilly. Cela posé, le ministre avait expédié à Nancy un jeune homme, évidemment d’un autre bois que ses camarades, pour bien voir la manière d’être de cette société et pénétrer ses secrets : y avait-on du mécontentement simple, ou était-il question d’agir ? « La preuve de tout ceci, c’est que Leuwen entend sans sourciller des choses sur le duc d’Orléans (Louis-Philippe) qui compromettraient tout autre qu’un observateur. » Il avait été précédé à son régiment d’une réputation de républicanisme que rien ne justifiait, et dont il semblait faire bon marché devant le portrait d’Henri V. Etc., etc.

Cette découverte flattait l’amour-propre de ce salon, dont jusque-là les plus grands événements avaient été neuf à dix francs perdus par M. Un Tel au whist, un jour de guignon marqué. Le ministre de la Guerre, qui sait ? peut-être Louis-Philippe lui-même, songeait à leur opinion !

Leuwen était donc un espion du juste milieu. M. Rey avait trop de sens pour croire à une telle sottise, et comme il se pouvait faire qu’il eût besoin de quelque histoire un peu mieux bâtie pour détruire la position de Leuwen dans les salons de mesdames de Puylaurens et