Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pâles, ils se regardaient, ils ne trouvaient rien à se dire.

— Vous étiez hier, monsieur, chez madame d’Hocquincourt ?

— Non, madame, dit Leuwen, honteux de son embarras et reprenant la résolution héroïque d’en finir et de faire décider son sort une fois pour toutes. Je me trouvais à cheval sur la route de Darney lorsqu’a sonné l’heure à laquelle j’aurais pu avoir l’honneur de me présenter chez vous. Au lieu de revenir, j’ai poussé mon cheval comme un fou pour me mettre dans l’impossibilité de vous voir. Je manquais de courage ; il était au-dessus de mes forces de m’exposer à votre sévérité habituelle pour moi. Il me semblait entendre mon arrêt de votre bouche.

Il se tut, puis ajouta d’une voix mal articulée et qui peignait la timidité la plus complète :

— La dernière fois que je vous ai vue, auprès de la petite table verte[1], je l’avouerai,… j’ai osé, en vous parlant, me servir d’un mot qui, depuis, m’a causé bien des remords. Je crains d’être puni par vous d’une façon sévère, car vous n’avez pas d’indulgence pour moi.

— Oh ! monsieur, puisque vous avez le

  1. Il évite le nom d’Hocquincourt.