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« Mon cher d’Antin, ce soir vous êtes ennuyeux ! »

Puis, elle revenait bien vite à l’examen de ce problème si intéressant :

« Quelque chose a choqué Leuwen ; ce silence ne lui est pas naturel. Mais qu’ai-je pu faire qui ait pu lui déplaire ? »

Comme Leuwen ne s’approcha pas une seule fois de madame de Chasteller, madame d’Hocquincourt en conclut aisément que tout était fini entre eux. D’ailleurs, elle devait à son heureux caractère, à son génie naturel ce point de dissemblance marqué avec la province : elle s’occupait infiniment peu des affaires des autres, et poursuivait en revanche avec une activité incroyable les projets qui se présentaient à sa tête folle. Les siens sur Leuwen furent facilités par une circonstance grave : c’était vendredi le lendemain, et pour ne pas participer à la profanation de cette journée de pénitence, M. d’Hocquincourt, jeune homme de vingt-huit ans aux belles moustaches châtaines, s’était allé coucher longtemps avant minuit. À l’instant de son départ, madame d’Hocquincourt avait fait servir du vin de Champagne et du punch.

« On dit, pensait-elle, que mon bel officier aime à s’enivrer ; il doit être bien joli dans cet état-là. Voyons-le. »