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eu il y a quinze jours parce que c’était l’Avent, et que M. Rey ne veut pas.

— C’est un drôle d’homme que votre M. Rey et l’empire qu’il exerce sur vous !

— Ah ! mon Dieu ! Pourquoi n’avez-vous pas dit cela à madame de Serpierre, que vous aimez tant ? Quel sermon vous auriez eu !

— C’est votre maître à toutes que ce M. Rey !

— Que voulez-vous ? Il nous répète sans cesse que nos pauvres privilèges ne peuvent redevenir ce qu’ils étaient dans le bon temps que par le retour des jésuites. C’est bien triste à penser, mais enfin, l’indispensable avant tout ; il ne faut pas que la république revienne pour nous envoyer à l’échafaud, comme en 93. D’ailleurs, M. Rey, personnellement, n’est point ennuyeux ; il m’amuse toujours pendant vingt minutes au moins. Ce sont ses lieutenants qui sont pesants ; lui est homme de mérite, amusant même ; du moins, on ne s’ennuie pas quand il parle. Il a voyagé : il a été employé quatre ans en Russie, et deux ou trois fois en Amérique. On l’emploie dans les postes difficiles. Il nous est venu depuis les glorieuses.

— Je lui trouve l’air un peu américain.

— C’est un Américain de Toulouse.