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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR


Peignant Lucien Leuwen à sa propre ressemblance, Beyle se souvient de ce qu’il était lui-même à vingt ans et mesurant l’écart qu’il y avait entre sa vie passée et son existence actuelle, il inscrit dans les marges de son manuscrit cette exclamation désabusée : « Quelle différence, his life in Civita-Vecchia and his life rue d’Angivillier, au café de Rouen ! 1803 et 1835 ! Tout était pour l’esprit en 1803. »

Toutefois son découragement ne persista pas. Beyle appréciait toujours sainement la valeur de son effort, et quelques heures plus tard, relisant sa note, il la complétait avec autant de hardiesse que de franchise : « Mais au fond la véritable occupation de l’âme était la même : to make un chef-d’œuvre. »

Il ne doutait jamais longtemps de son destin, sachant bien qu’il avait été mis sur terre pour faire un chef-d’œuvre. Il en avait publié un cinq ans auparavant. Quatre ans plus tard il devait en créer un autre. Maintenant il tâtonnait pour en