« Quelle différence avec cet homme enjoué, vif, étincelant d’esprit, embarrassé seulement par la foule et la vivacité de ses aperçus, que j’ai vu au bal ! Le voilà qui parle d’une chanteuse et ne peut pas trouver une phrase passable. Et tous les jours il lit des feuilletons sur le mérite de madame Malibran. »
Madame de Chasteller se sentait si heureuse qu’elle se dit tout à coup :
« Je vais tomber dans quelque mot ou quelque sourire de bonne amitié qui gâtera tout mon bonheur de ce soir. Ceci est bien doux, mais pour n’être pas mécontente de moi-même, il faut finir ici. »
Elle se leva et sortit.
Bientôt après, Leuwen quitta madame de Commercy ; il avait besoin de rêver en paix à l’étendue de sa sottise et à la parfaite froideur de madame de Chasteller. Après cinq ou six heures de réflexions déchirantes, il arriva à cette belle conclusion :
Il n’était pas lieutenant-colonel, et, comme tel, digne de l’attention de madame de Chasteller. Sa conduite au bal avec lui avait été une velléité, une fantaisie passagère, à laquelle ces femmes un peu trop tendres sont sujettes. L’uniforme lui avait fait un instant illusion ; faute de mieux, elle l’avait pris un instant pour un colonel. Ces consolations désolaient Leuwen :