Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/405

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE XX


Quelles que fussent les idées de Lucien, il n’était pas maître de ses actions. Le lendemain, de bonne heure, après s’être mis en tenue pour se présenter chez le colonel Malher, il aperçut de loin la rue sur laquelle donnaient les fenêtres de madame de Chasteller. Il ne put résister à l’envie de passer sous ces fenêtres qu’il ne devait plus revoir si le colonel lui accordait sa demande. À peine fut-il dans la rue, qu’il sentit son cœur battre au point de lui ôter la respiration : la seule possibilité d’entrevoir madame de Chasteller le mettait hors de lui. Il fut presque bien aise de ne pas la voir à sa fenêtre.

« Et que deviendrai-je, se dit-il, si, après avoir obtenu de quitter Nancy, je viens à désirer d’y revenir avec la même folie ? Depuis hier, je ne suis plus maître de moi, j’obéis à des idées qui me viennent tout à coup, et que je ne puis pas prévoir une minute à l’avance. »

Après ce raisonnement digne d’un ancien élève de l’École polytechnique, Leuwen