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intime qu’elle avait, madame de Constantin, et de lui donner pour compagnon de tous les instants un M. de Blancet, son cousin, brave officier, excellent homme, mais qui ennuyait madame de Chasteller. M. de Pontlevé était bien sûr qu’elle ne ferait jamais un mari de l’ennuyeux Blancet, et ce que la méfiance de M. de Pontlevé redoutait le plus au monde, c’était de voir sa fille se remarier. Toute sa conduite à son égard était basée sur cette crainte.

Madame de Chasteller parlait naturellement avec une grâce charmante. Ses idées étaient nettes, brillantes, et surtout obligeantes pour qui l’écoutait. Pour peu qu’elle pût voir deux ou trois fois dans un salon l’indifférent le plus égoïste ou l’idéologue le plus enclin à la République, elle le convertissait à l’amour des Bourbons, ou du moins émoussait toute la haine qu’on pouvait avoir contre eux. Par amour pour les Bourbons comme par générosité naturelle, elle tenait à Nancy un grand état de maison. Malgré les sollicitations de M. de Pontlevé, elle n’avait voulu renvoyer aucun des domestiques de M. de Chasteller. Ses mardis avaient toute cette apparence de bien-être et de bon ton que l’on trouve dans les bonnes maisons de Paris, et qui paraît miracu-