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noblesse personnelle que lui confère son épaulette de sous-lieutenant. »

Ce mot de nos officiers démissionnaires lorrains résume la grande dispute qui attriste le dix-neuvième siècle : c’est la colère du rang contre le mérite.

Mais aucune des dames ne songeait à ces idées tristes ; elles échappaient complètement, en ce moment, à la triste civilisation qui pèse sur les cerveaux mâles de la province. Le souper finissait tout brillant de vin de Champagne ; il avait porté plus de gaieté et de liberté sans conséquence dans les manières de tous. Pour notre héros, il était exalté par les choses assez tendres que, sous le masque de la gaieté, il avait osé adresser de loin à la dame de ses pensées. C’était la première fois de sa vie que le succès le jetait dans une telle ivresse.

En revenant dans la salle de bal, madame de Chasteller dansa une valse avec M. de Blancet, auquel Lucien succéda, suivant l’usage allemand, après quelques tours. Tout en dansant, et avec une adresse sans adresse, fille du hasard et de la passion, il sut reprendre la conversation sur un ton fort respectueux, mais qui était, cependant, sous plus d’un rapport, celui d’une ancienne connaissance.

Profitant d’un grand cotillon que ni