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l’un à l’autre, ainsi qu’il convient. Ne craignez de ma part, pour demain, aucune prétention à la connaissance, et daignez vous amuser un instant sans tirer à conséquence. »

Les femmes sont un peu effrayées de l’ensemble de ce genre de conversation ; mais, en détail, elles ne savent où l’arrêter. Car, à chaque instant, l’homme qui a l’air si heureux de leur parler semble dire : « Une âme de notre portée doit négliger des considérations qui ne sont faites que pour le vulgaire, et sans doute vous pensez avec moi que..... »

Mais, au milieu de sa brillante faconde, il faut rendre justice à l’inexpérience de Lucien. Ce n’était point par un effort de génie qu’il s’était élevé tout à coup à ce ton si convenable pour son ambition ; il pensait tout ce que ce ton semblait dire ; et ainsi, mais par une cause peu honorable pour son habileté, sa façon de le dire était parfaite. C’était l’illusion d’un cœur naïf. Il y avait toujours chez Lucien une certaine horreur instinctive pour les choses basses qui s’élevait, comme un mur d’airain, entre l’expérience et lui. Il détournait les yeux de tout ce qui lui semblait trop laid, et il se trouvait, à vingt-trois ans, une naïveté qu’un jeune Parisien de bonne maison trouve déjà