Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/356

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Quelle honte, dit tout à coup le parti contraire à l’amour ; quelle honte pour un homme qui a aimé le devoir et la patrie avec un dévouement qu’il pouvait dire sincère ! Il n’a plus d’yeux que pour les grâces d’une petite légitimiste de province, garnie d’une âme qui préfère bassement les intérêts particuliers de sa caste à ceux de la France entière. Bientôt, sans doute, à son exemple, je placerai le bonheur de deux cent mille nobles ou....... avant celui des autres trente millions de Français. Ma grande raison sera que ces deux cent mille privilégiés ont les salons les plus élégants, des salons qui semblent m’offrir des jouissances délicates, que je chercherais vainement ailleurs ; en un mot, des salons qui sont utiles à mon bonheur privé. Le plus vil des courtisans de Louis-Philippe ne raisonne pas autrement. » Ce moment fut cruel, et la physionomie de Lucien n’était rien moins que riante, tandis qu’il cherchait à réfuter, à repousser cette terrible vision. Il était alors debout et immobile, près de la contredanse où figurait madame de Chasteller. Aussitôt le parti de l’amour, pour réfuter la raison, le porta à prier madame de Chasteller à danser. Elle le regarda ; mais, pour cette fois, Lucien fut incapable de juger ce regard ; il en fut comme brûlé, enflammé. Ce regard,