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oubliait l’excès d’ennui dont elles l’avaient distrait.

Pendant les jours qui suivirent, Lucien fut extrêmement agité. Ce n’était plus cet être léger et distrait par la moindre bagatelle. Il y avait des moments où il se méprisait de tout son cœur ; mais malgré ses remords, il ne pouvait s’empêcher de passer plusieurs fois le jour dans la rue de la Pompe.

Huit jours après que Lucien avait fait dans son cœur une découverte si humiliante, comme il entrait chez madame de Commercy, il y trouva établie, en visite, madame de Chasteller ; il ne put dire un mot, il devint de toutes les couleurs, et, se trouvant seul d’homme dans le salon, il n’eut pas l’esprit d’offrir son bras à madame de Chasteller pour la reconduire à sa voiture. Il sortit de chez madame de Commercy se méprisant un peu plus soi-même.

Ce républicain, cet homme d’action, qui aimait l’exercice du cheval comme une préparation au combat, n’avait jamais songé à l’amour que comme à un précipice dangereux et méprisé, où il était sûr de ne pas tomber. D’ailleurs, il croyait cette passion extrêmement rare, partout ailleurs qu’au théâtre. Il s’était étonné de tout ce qui lui arrivait, comme l’oiseau sauvage qui s’engage dans un filet et que l’on met