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beaucoup. Son père la force à bouder Paris ; il veut la brouiller avec une amie intime ; un peu de galanterie est la seule consolation pour cette pauvre âme. »

Cette excuse si raisonnable ne faisait que redoubler la tristesse de notre héros. Au fond, il entrevoyait le ridicule de sa position : il aimait, sans doute avec l’envie de réussir, et cependant il était malheureux et prêt à mépriser sa maîtresse, précisément à cause de cette possibilité de réussir.

La journée fut cruelle pour lui ; tout le monde semblait d’accord pour lui parler de M. Thomas de Busant et de la vie agréable qu’il avait su mener à Nancy. On comparait cette existence avec la vie de cabaret et de café que menaient le lieutenant-colonel Filloteau et les trois chefs d’escadron.

La lumière lui arrivait de toutes parts ; car le nom de madame de Chasteller était sur toutes les lèvres, à propos de M. de Busant ; et cependant son cœur s’obstinait à la lui montrer comme un ange de pureté.

Il ne trouva plus aucun plaisir à faire admirer dans les rues de Nancy ses livrées élégantes, ses beaux chevaux, sa calèche qui ébranlait en passant toutes les maisons de bois du pays. Il se méprisait presque pour s’être amusé de ces pauvretés ; il