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raconter, c’est là le genre de plaisir qu’on lui demande », et il biffe des pages entières qui lui paraissent languissantes et ennuyeuses comme un cours de morale, pour les récrire sous forme de dialogue. À ce point de vue quand il s’est rapproché de ce qu’il visait, il se rend ce témoignage de satisfaction : « Il y a dans les Bois de Prémol[1] une quantité énorme de récits, chaque phrase raconte pour ainsi dire, si je les compare à celles du Médecin de campagne de M. Balzac ou de Koatven de M. Süe. Or, la première qualité d’un roman doit être : raconter, amuser par des récits, et, pour pouvoir amuser les gens sensés, peindre des caractères qui soient dans la nature.

« En général, idéaliser comme Raphaël idéalise dans un portrait pour le rendre plus ressemblant. Idéaliser pour se rapprocher du beau parfait seulement dans la figure de l’héroïne. Excuse : le lecteur n’a vu la femme qu’il a aimée qu’en idéalisant. »

L’image de la femme aimée en effet ne quitte pas un instant sa pensée. Aussi s’adresse-t-il à lui-même cette apostrophe : « Tu n’es qu’un naturaliste, tu ne choisis pas tes modèles, mais prends pour love toujours Métilde et Dominique. »

La passion de Lucien Leuwen pour ma-

  1. Ce fut, nous le verrons plus loin, un des titres provisoires de Lucien Leuwen.