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horrible à sa fille, il y a quelques jours, dit mademoiselle Théodelinde, vers la fin de son accès de goutte, parce qu’elle n’a pas voulu renvoyer son cocher. « Je ne sortirai pas de longtemps le soir, disait M. de Pontlevé, et mon cocher peut fort bien vous servir ; à quoi bon garder un mauvais sujet qui ne va presque jamais ? » La scène a presque été aussi forte que celle qu’il fit à sa fille lorsqu’il voulut la brouiller avec son amie intime, madame de Constantin.

— Cette femme d’esprit dont M. de Lanfort racontait des reparties si drôles l’autre jour ?

— Précisément. M. de Pontlevé est surtout avare et trembleur, et il redoutait l’influence du caractère décidé de madame de Constantin. Il a des projets d’émigration, en cas de chute de Louis-Philippe et de proclamation de la République. Dans la première émigration, il a été réduit aux plus fâcheuses extrémités. Il a de grandes terres, mais peu d’argent comptant, dit-on, et, s’il passe le Rhin de nouveau, il compte beaucoup sur la fortune de sa fille.

La conversation continuait ainsi agréablement entre Lucien, Théodelinde et son amie, lorsque madame de Serpierre crut convenable à son rôle de mère de rompre un peu cet aparté, que, d’ailleurs, elle voyait avec beaucoup de plaisir.