Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ques, il vit le petit rideau s’écarter un peu du bois de la croisée. Il était évident que quelqu’un regardait. C’était, en effet, madame de Chasteller qui se disait : « Ah ! voilà mon jeune officier qui va encore tomber ! » Elle le remarquait souvent, comme il passait : sa toilette était parfaitement élégante, et pourtant il n’avait rien de gourmé.

Enfin, Lucien eut cette mortification extrême, que son petit cheval hongrois le jeta par terre à dix pas peut-être de l’endroit où il était tombé le jour de l’arrivée du régiment. « On dirait que c’est un sort ! se dit-il en remontant à cheval, ivre de colère ; je suis prédestiné à être ridicule aux yeux de cette jeune femme. »

De toute la soirée, il ne put se consoler de ce malheur. « Je devrais la chercher, pensa-t-il, pour voir si elle pourra me regarder sans rire. »

Le soir, chez madame de Commercy, Lucien raconta son malheur, qui devint la nouvelle du jour, et il eut le plaisir de l’entendre répéter à chaque nouvel arrivant. Vers la fin de la soirée, il entendit nommer madame de Chasteller ; il demanda à madame de Serpierre pourquoi on ne la voyait jamais dans le monde.

— Son père, le marquis de Pontlevé, vient d’avoir un accès de goutte ; il a été