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le règne de Louis XIX après la fin de celui de Charles X.

Lucien allait souvent à ce qu’on appelait l’hôtel de Puylaurens ; c’était une grande maison située à l’extrémité d’un faubourg occupé par des tanneurs et dans le voisinage d’une rivière de douze pieds de large, et fort odoriférante.

Au-dessus de petites fenêtres carrées, éclairant des remises et écuries, on voyait régner une longue file de grandes croisées, avec de petits toits en tuile au-dessus de chacune d’elles ; ces petits toits destinés à garantir les verres de Bohême. Préservés ainsi de la pluie, depuis vingt ans, peut-être, ils n’avaient pas été lavés, et donnaient à l’intérieur une lumière jaune.

Dans la plus triste des chambres éclairées par ces vitres sales, on trouvait, devant un ancien bureau de Boule, un grand homme sec, portant, par principe politique, de la poudre et une queue ; car il avouait souvent et avec plaisir que les cheveux courts et sans poudre étaient bien plus commodes. Ce martyr des bons principes était fort âgé, et s’appelait le marquis de Puylaurens. Durant l’émigration, il avait été le compagnon fidèle d’un auguste personnage ; quand ce personnage fut tout-puissant, on lui fit honte de ne rien faire pour un homme que