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était un peu passé, mais ce défaut était dissimulé par des portraits de famille qui avaient fort bonne mine. Ces héros avaient des perruques poudrées à frimas et des cuirasses d’acier. D’immenses fauteuils, dont les bois fort contournés offraient une dorure brillante, firent peur à Lucien quand il entendit madame la comtesse de Commercy adresser au laquais ces paroles sacramentelles : « Un fauteuil pour monsieur. » Heureusement, l’usage de la maison n’était pas de déplacer ces vénérables machines ; on avança un fauteuil moderne et fort bien fait.

La comtesse était une grande femme maigre et se tenant fort droite, malgré son grand âge. Lucien remarqua que ses dentelles n’étaient point jaunies ; il avait en horreur les dentelles jaunies. Quant à la physionomie de la dame, elle n’en avait aucune. « Ses traits ne sont pas nobles, mais ils sont portés noblement, » se dit Lucien.

La conversation, comme l’ameublement, fut noble, monotone, lente, mais sans ridicule trop marqué. Au total, Lucien aurait pu se croire dans une maison de gens âgés du faubourg Saint-Germain. Madame de Commercy ne parlait pas trop haut, elle ne gesticulait pas à outrance, comme les jeunes gens de la bonne com-