Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.

naux en bois de noyer bien luisant. « Ceci est une maison pauvre, mais d’un goût très pur, » pensa Lucien. Il s’aperçut bien vite qu’il n’y trouvait là que la très bonne compagnie du pays. (Toute la bourgeoisie de l’Est de la France est patriote.)

Lucien vit le bedeau offrir un sou à une femme du peuple point mal mise, qui, voyant une église ouverte, fit mine d’entrer.

— Passez, la mère, dit le bedeau, ceci est une chapelle particulière.

L’offre était évidemment une insulte ; la petite bourgeoise rougit jusqu’au blanc des yeux, et laissa tomber le sou ; le bedeau regarda s’il était vu et remit le sou dans sa poche.

« Toutes ces femmes qui m’entourent et le peu d’hommes qui les accompagnent ont une physionomie parfaitement convenable, se dit Lucien ; le docteur ne se moque pas plus de moi que de tout le monde ; c’est tout ce que je puis prétendre. Sa vanité une fois rassurée, Lucien s’amusa infiniment. C’est ici comme à Paris, se disait-il, la noblesse se figure que la religion rend les hommes plus faciles à gouverner. Et mon père dit que c’est la haine qu’on avait pour les prêtres qui a fait tomber Charles X ! En me montrant pieux, je vais me faire noble. »